« Bonne dégustation ! »

Au restaurant depuis trop longtemps, chez certains cavistes ensuite, et même désormais dans certains commerces de bouche qui se veulent distingués, c’est la phrase qui tue, assortie au pantalon tergal noir / socquettes tennis des loufiats boutonneux d\’antan. Tellement ampoulée, lourdingue, mécanique (déplacée aussi*) qu’un auteur de talent, Fabrice Caro, alias Fabcaro, va l’intégrer dans son prochain ouvrage de bande dessinée, Open Bar 2**.

Montons une association, signons des pétitions en ligne, manifestons dans la rue en exécutant des flash-mobs dignes des jeux télévisés où l\’on se demande toujours si ce sont les participants ou le présentateur qui en ont pris le plus…, bref agissons avec force contre le \ »bonne dégustation\ » qui a détruit tant de repas***.

Les Japonais qui, eux, ne mollissent pas ont trouvé une solution radicale pour en finir avec ce fléau: remplacer le serveur par un robot (qu’il suffit de mieux programmer que le serveur…).
Ça se passe à la Zeroken Robo Tavern, un bistrot installé à côté de la gare d’Ikebukuro, à Tokyo. Derrière le zinc, ce n’est plus un humain qui officie, mais un robot.

Il s’agit en fait, selon Japan News, d’un programme-test lancé depuis le 23 janvier et jusqu’au 19 mars parYoronotaki, la compagnie propriétaire du bar, qui détient une chaîne d’izakayas implantée nationalement. Le raisonnement est simple: dans un Japon vieillissant, il est de plus en plus difficile de trouver du personnel, donc pourquoi ne pas le remplacer par des machines?
Sachez toutefois, pour ceux que l’expérience fait rêver, qu’un robot de ce type, développé par l’entreprise QBIT Robotics coûte 75000 euros, l’équivalent de trois années de salaire d’un serveur. Le modèle installé à la Zeroken Robo Tavern (qui n’est ni moustachu ni tatoué et ne se prend pas pour une star internationale de la mixologie) met moins d’une minute pour servir un cocktail, quarante secondes pour tirer un demi. Un autre modèle a été mis au point pour servir des ramen à emporter, on attend avec impatience la version sommelier qui ne prend pas la tête.

Concrètement, l’izakaya est entièrement automatisée, on commande sur un distributeur, lequel délivre un ticket avec QR-code que le client soumet au robot dont on nous dit qu’il travaille de 8 heures du matin à minuit ce qui représente, même pour un Nippon, une grosse journée. On ne sait pas, en revanche, s’il s’agit d’une dame ou d’un monsieur (clin d’œil à nos amis genristes, vegans, raciseurs, etc), quel est son taux d’absentéisme, si ses pannes se calculent en congés-maladie et si la pénibilité de sa tâche intervient dans le calcul de sa retraite.

*La dégustation, c’est un acte technique, du boulot, pas nécessairement la partie de plaisir que doit, devrait être un repas au restaurant. Enfin bon, tant que le restau en question ne nous inflige pas du fastidieux, au service ou dans l’assiette…

** Un grand merci à l’ami Pierre Costes, qui cuisine l’humour au Balkanystan, de m’avoir fait découvrir cet auteur montpelliérain publié aux Éditions Delcourt.

*** Au passage, on en profitera pour éradiquer un autre tic de langage tout aussi odieux, le « sur Paris », « sur Bordeaux », « sur Lyon » des nouveaux beaufs.

1 réflexion sur “« Bonne dégustation ! »”

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