Seule la lumière…

Quelques vieux toussent, le rideau se lève, le chef d’orchestre donne le ton, nous aurons dans la fosse le plus beau, le sublime de l’âme germanique, l’anti-caricature. Wagner, c’est toujours sur le fil. Ne pas trop en faire, slalomer entre la culotte de peau et l’hollywoodien. Laisser naître Parsifal, le rédempteur.
La scène encore voilée suggère la lumière. Une brume blanche devient traits, puis runes.

Quelques heures auparavant, nous sommes à Montpellier, sorte de château de Klingsor possédé par les maléfices d’une modernité qui n’a pas toujours les moyens de sa dévorante ambition.

Au bout des innombrables rond-points d\’une banlieue laide (je vous prie d\’excuser le pléonasme), revoilà le Monsalvat pyrénéen, wagnérien, nous avons rendez-vous avec la Lumière.
Tout est désordre, pourtant, foule, brouhaha, touffeur… rien de ce silence, de cette concentration, de ce recueillement qui précède une initiation.
Mais la Lumière est là. Évidente. Lactescente comme les runes du Capitole, immaculée comme l\’habit de Parsifal, troublante comme les femmes-fleur, éblouissante comme la craie andalouse.

Bien sûr, ça semble prétentieux (et plus encore pour ceux qui ignorent l’Andalousie), mais franchement, ce vin-là pouvait-il porter un autre nom?
Un palomino, listán dit-on en France où il en existe de (trop?) rares ceps dans le sud, un palomino d’un des grands crus identifiés de longue date entre Jerez et Sanlúcar de Barrameda, le pago de Miraflores, un sol d’albariza, des marnes blanches, crayeuses, clin d’œil au calcaire champenois. Car le co-auteur de cette merveille qui danse sur l’acide, le salé n’est autre que l’excellent David Léclapart, de Trépail, premier cru de la Montagne de Reims, associé à Alejandro Muchada.

Dessiné sur sa vivacité, sans chercher l\’oxydation, avec ce qu\’il faut de rigueur et de liberté, Lumière est un blanc de stature internationale*, qui montre à quel point l\’arrivée d\’authentiques vignerons a changé la donne dans une Espagne jusque là aux mains de la caste surannée des bodegueros, industrieux et répétitifs. Qui prouve que l\’on peut, que l\’on doit penser différemment pour sortir de l\’ornière, que la contradiction que les âmes sombres voient comme du blasphème n\’est que l\’étincelle.
Que seule la lumière peut sauver vin, le Monde.

*Par chance, ce cru exceptionnel est disponible en France, distribué par Divvino à Paris.
Et merci encore à mon cher Nacho « Pistacho » de m’en avoir fait boire, et reboire.

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