Pour après la fin du Monde.

Je mettais la dernière main ce matin à des étiquettes de vin. Des rosés que nous boirons bras-dessus, bras-dessous, cet été, à l’ombre des paillotes, les pieds dans le sable.
Passez à la plage, vous verrez, vous entendrez, on est en train de les monter les paillotes. Menuisiers, charpentiers, électriciens sont à l’ouvrage. Comme si de rien n’était. Avec ou sans nous, les beaux jours reviendront.

Hier, un ami, homme de l’art, me le disait, après avoir techniquement étudié la situation: « il y a de fortes chances pour que nous vivions un cauchemar ». J’ai malheureusement tendance à le croire. D’autant plus que le cauchemar, avant les drames médicaux, a déjà commencé. J’ai fait le détour par un parking d’hypermarché, sur la côte. Dans une lumière crépusculaire qui rend les vilains encore plus laids, une marée bagnolesque. J’imaginais, à l’intérieur, la populace agglutinée, se postillonnant à la gueule pour s’arracher six rouleaux de papier-cul et un kilo de riz*. J’imaginais la ruée. Les beaufs, par milliers, collés-serrés (alors qu’on interdit les rassemblements de plus de cent personnes et qu’on a peur d’en croiser dix au restaurant). Les mêmes qui gueulaient il y a quelques jours parce « le gouvernement** en faisait trop », et qui désormais hurlent parce que « le gouvernement n’en fait pas assez ». Les mêmes, sans aucune discipline, qui réclament plus d’ordre. Qui élisent des Trump, des Bolsonaro, des Torra…

Alors espérons. Ça fait vivre paraît-il. Et agissons. Réfléchissons. Soyons responsables, solidaires, accumulons les petits gestes.
Et puis, pour avancer, rêvons à l’après-cauchemar, à l’après-fin du Monde. Au retour de l’humain. À ces rosés que nous boirons bras-dessus, bras-dessous, cet été, à l’ombre des paillotes, les pieds dans le sable. Quand nous nous aimerons de nouveau.


*Le paradoxe vaut son pesant de cacahuètes. je ne sais pas d’ailleurs d’où vient cette manie, en cas de crise, de stocker du papier-cul pour deux ans…
**Ils sont généralement aussi nombrilistes qu’égoïstes donc ne peuvent imaginer les décisions planétaires qu’au travers du petit bout de leur petite lorgnette, de leur propre gouvernement local. Enfin bon, on connaît le refrain, « la fôte à Micron », etc.

PS: un petit clin d’oeil à la femme du docteur (elle-même docteure en Mécanique des Fluides) qui prépare du gel hydro-alcoolique artisanal, ‘kilomètre zéro’, à la distillerie familiale de Labastide-Saint-Pierre, en Frontonnais, plutôt que de participer à la ruée du supermarché.

2 réflexions sur “Pour après la fin du Monde.”

  1. Ping : Le vin est un voyage. – Idéesliquides & solides

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