Nature, mais interdit aux snobs.

Les franc-buveurs le savent, deux parasites majeurs peuvent irrémédiablement corrompre le vin: l’argent (bon serviteur mais mauvais maître) et plus encore les mondainvineux. Car le snobisme, effectivement, fait des dégâts colossaux. Panurgisme, évidemment, suivi d’une profonde altération du jugement, voire cécité, anosmie et agueusie. Le phénomène a été longuement observé du temps de grand-papa, il s’est peut-être renforcé avec les générations montantes. Récemment encore, au dîner d’un off* du salon montpelliérain Millésime Bio, j’étais fasciné de voir deux wine-geeks se prosterner devant le magnum complètement baisé d’un producteur-star du Mâconnais; à table, personne n’avait voulu le boire…

En réaction, je vous propose donc cet OVNI, un « vin nature agricole » rencontré le week-end dernier en allant fêter la truffe dans le Sud-Ouest. Le packaging est rustique, mais je vous assure que ce n’est pas un coup marketing, vraiment pas ! Rendez-vous compte, le type a même osé la bouteille bordelaise qui, on le sait, n’est plus très en cour, et notamment dans les milieux qui glougloutent.
Pierre Dalavat, en fait, sur ses terres de Lomagne, à Urdens, entre Saint-Clar et Fleurance, n’est pas exclusivement vigneron, il pratique la polyculture: une demi-douzaine de vaches, un gros hectare d’ail, du maraîchage, des céréales, des légumineuses et, donc, la vigne. Le tout est dûment certifié bio, à tendance biodynamique, depuis 1985. À ce titre, il est d\’ailleurs un des fournisseurs de mes amis de L’Horloge d’Auvillar, où nous sommes allés truffer.

Avec ce « jus de fruit », on est complètement dans \’idée des rouges des auberges de campagne d’antan, qu’on buvait au litron ou au pot, imparfaits mais joviaux. À tel point qu’on a envie de ressusciter ce vieil épithète plein de rondeur: « gouleyant ». Le 2016, moins rugueux que le 12, s’arrondit d’une dizaine de grammes de sucres résiduels, ce qui ne peut que réjouir une clientèle jeune, au goût plus américain que moi.
Vin à tout faire, j’ai cependant envie de vous conseiller un accord inattendu** qui risque toutefois de choquer les snobs du début, mariez-le à un vrai camembert, dans le genre de celui du Champ Secret dans l’Orne, avec évidemment ce qu’il faut de bon pain (ici ceux de Serge François et de Jean-François Berthelot qui, dans sa ferme du Roc en Lot-et-Garonne, a ouvert la voie à cette jeune génération de boulangers qui sortent la France du pétrin en l’y remettant).
En revanche, puisque l’on reparle des mondainvineux, prévenez-les de ma part que ce vin gascon n’est en aucun cas fait pour eux. Bien sûr parce qu’il ne s’agit pas d’une étiquette connue, bankable, fashion, et, surtout à cause de son prix: il est vendu 4€ à la ferme !

 

*Le Vin de mes amis en l\’occurrence, un des plateaux les plus sexys que l\’on puisse imaginer, je vous joins ci-dessous quelques cartes postales (liste non exhaustive) de notre trop brève visite à Verchant.

** Si vraiment le rouge et le camembert vous rebutent, un plan B, cet élégant cidre du Cotentin, délicieux et bon marché, finement tanique.

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