Les villes à la campagne.

J’ai eu la chance de vivre dix ans dans une des villes les plus polluées d’Europe. Y voir une mouche constituait, sinon un émerveillement, au moins une surprise. Seuls les humains et les rats résistaient à une concentration de gaz d’échappement soigneusement entretenue chaque jour par une population réfractaire au vélo, aux transports en commun, mais capable de sauter dans sa bagnole pour aller acheter une baguette de pain ou un paquet de cigarette, « parce que ça fait riche ».

Ici, en revanche, en Minervois, dans sa partie montagnarde, agricole, des mouches, il y en a. L’été, on y fait attention, on s’en prémunit, comme avant nous des générations s’en sont prémunies. C’est un peu comme la pluie qui mouille, le soleil qui brûle. Il y a des mouches, des sangliers qui bouffent le raisin, des lièvres qui coupent la route, des oiseaux qui empêchent de faire la grasse matinée et, chez certains vignerons (pas les pires…), des vaches, des moutons ou des chevaux.

Les chevaux d’ici, on en a parlé dans le poste, dans le transistor aussi, même le journal local s’est fendu d’un papier. Deux percherons retraités qui avaient « détruit la vie » (sic) d’une voisine anglaise de Borie de Maurel. Avec justesse, le maire du village lui a rappelé les fondamentaux, et notamment qu’elle était à la campagne, chez les paysans. Normalement l’incident est clos.

Si je vous reparle de tout ça, c’est parce qu’on vient d’apprendre que la Cour d’Appel de Colmar, au terme de cinq ans de procédure (un huissier est même allé sentir le crottin…), venait de condamner Marie et Jean-Paul Zusslin, vignerons alsaciens de haut-vol, à dédommager leur voisin, importuné par leur cheval de trait, Sésame (ci-dessus, image DNA), qui lui est expulsé du village.

Loin de moi l’idée de commenter une décision de Justice, mais quelle est l’étape suivante ? Tuer les animaux, chevaux, vaches, moutons, chiens, lièvres, sangliers ? Comment peut-on, en 2020, vouloir à ce point aseptiser les endroits qui finalement ont le moins besoin de l’être. N’y a-t-il pas d’autres urgences en termes de pollution de l’air ? N’a-ton pas mieux à faire que de bâtir ainsi, de la plus ridicule des façons, des villes à la campagne ?

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