– Oui, tu vas voir, c’est génial, très nature! Le type a complètement revisité les vins de l’Ardèche. Bon, hein, c’est son premier millésime, il a une grosse marge de progression. Quand tu penses que six mois plus tôt, il bossait encore dans la pub à Pantin…
Ce discours imaginaire (mais tellement réaliste), on l’a tous entendu, dans une boutique, un bistrot. Et avouons-le, on est tous ravis, journalistes, blogueurs, amateurs, de découvrir en avant-première, parfois même avant la mise ou les vendanges, le dernier projet qui va révolutionner le monde du vin.
L’injonction de la mode, de la nouveauté*, même les plus coriaces d’entre nous s’y soumettent. Parfois même à leur corps défendant. Et appellent ça l’air du temps. Car la mode est partout, qui promeut, et surtout implicitement, insidieusement, ringardise.
Ce 2015 a mis, dimanche soir, un point final à deux mois de confinement**.
Pour dire vrai, ça fait un bout de temps que je ne fréquentais plus trop les vins d’Olivier Jullien, incontournable référence languedocienne depuis 30 ans. Cette magnifique bouteille m’a montré, après aération, que j’avais tort. Une délicieuse synthèse entre concentration et fraîcheur, un fruit intense, mais sans cette exubérance un peu envahissante, un rien vulgaire qu’on trouve dans beaucoup de vins méditerranéens, de la Catalogne à la Provence, peut-être grâce au grand mourvèdre (contrebalancé par le carignan et la syrah). C’est un peu bête à dire, mais ça sentait la réflexion, la maîtrise, la culture.
Un moment de plaisir liquide rassérénant, comme une magnifique note d’optimisme pour les mois, les années à venir, nous rappelant que beaucoup de ce qui peut sauver « le monde d’après » avait déjà été énoncé, réalisé dans le monde d’avant. Qu’au lieu de se pâmer obligatoirement devant une hirondelle de passage, un brouillon, mieux vaut parfois réviser ses classiques***, lesquels peuvent se révéler d’une ébouriffante modernité.
*Sujet plus longuement évoqué ici ou là (concernant le second lien, malheureusement, la dictature de la nouveauté à triomphé, et l’adresse sétoise est devenue (g)astronomique.
**Qui d’ailleurs ont été l’occasion de quelques belles rencontres vineuses qu’il faudra que je vous raconte.
***En gardant bien sûr les yeux ouverts, ne serait-ce que dans cette appellation des Terrasses-du-Larzac, qui est assurément avec le Pic-Saint-Loup un des spots où le Languedoc a réussi, en desserrant l’étau du kolkhoze, sa mutation. En témoigne cette autre bouteille récente, marquée elle aussi par le mourvèdre (légèrement moins mûr) et qui mérite le détour. Dans un autre registre, j’avais beaucoup aimé l’été dernier la petite cuvée du Mas Lasta dont les vignes d’altitude flirtent avec l’AOP Roquefort.
Merci de remettre, comme souvent, les pendules à l’heure.
De rien, Charlotte.
Ce sont juste des observations, chemin faisant.
Les vins d’Ardèche (Sud) ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Les terroirs sont exceptionnels, la situation privilégiée….et les cépages autochtones reviennent….à découvrir.
J’avoue que c’est une zone que je connais mal. J’ai goûté du chatus, mais malheureusement handicapé par une volatile de compétition. Il faudrait que j’y pense. Pour dire vrai, en Ardèche (mais au nord-est), ce sur quoi que je veux absolument mettre le nez, c’est la mystérieuse dureza.