Chaque début de printemps, je suis émerveillé par la puissance, la générosité, la violence même de ce qui nous entoure. Une débauche d’énergie, l’éclosion, la croissance. Un peu à l’image de ces asperges sauvages qui, dès la fin de l’hiver, émergent, verticales, impavides des ronciers et des taillis.
En cette année 2020, évidemment, notre rapport à la Nature est quelque peu bouleversé. D’abord parce que pour beaucoup, dans l’hémisphère nord, le confinement interdit cette prise de contact avec le vivant. Tout le monde n’a pas comme nous la chance de vivre dans un désert où, la porte à peine poussée, maquis & garrigue se disputent nos faveurs. Où chaque jour, chaque balade devient un luxe rare.
En cette année 2020, en fait, la Nature est devenue l’ennemi, perpétrant aux quatre coins de la planète des attentats terroristes à côté desquels ceux des nazislamistes font un peu petit joueur*.
Loin de moi l’idée de chercher des circonstances atténuantes aux assassins. Pourtant, admettons que le terrorisme du Covid_19, nous l’avons bien cherchée. Trop tôt pour savoir exactement, entre médecine traditionnelle, sensationnalisme gastronomique, destructions d’écosystèmes… comment, du côté de Wuhan, s’est déclenché le phénomène, mais nous, humains, ne sommes pas complètement étrangers au déferlement.
Voilà donc l’occasion de réfléchir sur notre lien perverti avec la Nature. Sur notre violence, ce besoin de la mettre en coupe réglée. Chaque militant y verra les torts du parti d’en face, le mal est plus global, cette voracité compulsive n’est pas née avec le capitalisme, le communisme, les moyens techniques créés depuis les Temps modernes ont juste permis d’accélérer le mouvement.
Je me refuse également de sombrer dans un rousseauisme benêt, béat. J’ai du mal à croire à la bonté originelle, qu’il s’agisse de la Nature ou de l’humain d’ailleurs. Le spectacle du printemps nous enseigne la compétition, l’ambition, l’individualisme même de certains végétaux. Nous devons tout à la Nature, cela étant, parfois, à notre corps défendant, nous devons sinon la combattre, du moins combattre certains de ses effets.
J’adore me frictionner à la lavande, rêver que le vinaigre des quatre voleurs** nous guérisse de la nouvelle peste, pourtant (tant pis pour les délires New Age) si je suis sanitairement dans la merde, je serais heureux de pouvoir compter sur de vrais médecins, dûment estampillés. D’être soumis à un test viral qui permettra de rendre « l’ennemi invisible » un peu plus visible. Qu’on me délivre des traitements chimiques fabriqués par de méchants laboratoires pharmaceutiques.
L’obscurantisme m’effraie, et la Science n’est pas le Diable. Comme en toute chose, le péché réside dans l’aveuglement, dans l’extrémisme.
De retour de « notre jardin » de quelques milliers d’hectares, en triant les asperges***, on a eu envie de boire un coup****. Un rouge du village (les vignes sont situées entre ici et le bourg), une bouteille retrouvée dans la cave de « l’Anglais »*****, sorte de grenache qui pinote. Ce 2017, je l’avais goûté jeune, c’était excellent, mais là il a vraiment trouvé sa vitesse de croisière. Le jus est dynamique, vivifiant, gorgé d’une énergie qui n’est pas sans rappeler celle de la campagne environnante. Comme un bol d’air frais (qu’on pourrait délivrer sur ordonnance aux confinés des villes).
D’ailleurs, ce vin illustre parfaitement ce que je viens d’écrire. Davantage que nous tous, avec notre consumérisme dévorant, nos caprices de chiards mal élevés. Il respecte l’environnement: certifié bio, biodynamique. Et, pour faire mode (d’avant la crise?), vegan affirme bizarrement l’étiquette (ce qui par parenthèse est totalement contradictoire avec la biodynamie et, entre autres, ses cornes de vache). En prime, il est nature, puisque vinifié sans intrant, et me précise le vinificateur, sans le moindre ajout de sulfites.
Surtout, au delà du pré-supposé (favorable), j’y vois une synthèse entre les deux parties aujourd’hui en conflit: la Nature et l’Homme. Car si le terroir de La Livinière, le grenache s’y expriment librement, ils ne sont pas pour autant « livrés à eux-mêmes », le vinificateur, Benjamin Darnault, les accompagne techniquement (ce n’est pas un gros mot…), en appliquant une légère filtration, en travaillant à la mise sur l’oxygène dissous. Résultat, ce « nature intelligent », conservé de long mois dans des conditions aléatoires, ne présente aucune des déviances auxquelles on aurait pu s’attendre, au contraire, son fruit éclatant est magnifié par le temps.
« Synthèse », écrivais-je plus haut.
*Étonnant d’ailleurs, comme je le faisais remarquer il y a quelques jours, que l’État Islamique n’ait pas songé à revendiquer le Covid_19…
**Une vieille recette toulousaine (ou marseillaise selon les versions) qui remonte au XIVe siècle. Quatre voleurs détroussent les cadavres des victimes de la peste mais sans contracter le mal. Arrêtés, on leur demande l’explication de ce mystère, ils donnent alors la recette de ce vinaigre considéré depuis comme un antiseptique. On y trouve en vrac de la lavande, du romarin, de l’ail, de la menthe, de la sauge, de l’acore odorant, de la muscade, du camphre…
***C’est la fin, mais comme on est en altitude et qu’il a plu, il y a des repousses tardives.
****Eh oui, comme tout le monde, avec ce confinement, nous luttons activement contre les excédents viti-vinicole, « c’est bon pour le moral des troupes » dit le docteur. J’en parlais ici.
***** L’honorable Robert, AKA Bertie Eden.
Je suis restaurateur est il est bon de vous lire . L’heure n’est pas a la polémique. Je crois que nous ne seront plus les memes à sortir de cette période particuliére Chacun va se projeter d’une autre maniére et de toute fçon les attente de nos clients seront tout autre.