Le châtiment de Dieu.

Non, désolé, je ne prierai pas pour l’Australie. Pas plus que je ne participerai au concours de benefit T-shirts moches récemment lancé par les marchands du Temple, ou que je n’entamerai une improbable danse de la pluie comme semble le suggérer le premier ministre local qui, lui, sacrifie davantage au culte du charbon et de la sur-exploitation minière. 

« Aide-toi et le Ciel t’aidera » pourrait-on d’ailleurs rétorquer au très évangélique Scott Morrisson (ci-dessus en campagne à l’église*), sorte de Bolsonaro soft, blond, arrivé aux affaires à Canberra en débordant sur l’aile populiste du Parti libéral son prédécesseur (et allié) Malcolm Turnbull qui avait commis le double péché d’autoriser le mariage homosexuel et, pire, de ratifier les Accords de Paris. Sur ce dernier point, le gouvernement australien est d’ailleurs revenu à l’orthodoxie trumpienne puisque récemment encore son vice-premier ministre McCormack précisait que le changement climatique ne préoccupait que « les gauchistes fou-furieux des centre-villes »**. Malheureusement il semblerait qu’il préoccupe également les climatologues qui y voient désormais un lien avec la recrudescence des incendies.

Pour reprendre, donc, la rhétorique en cour à Canberra***, le « Châtiment de Dieu » s’est abattu sur l’Australie, ignorante des signaux que lui envoyait le Ciel****, convertie à l’ultra-capitalisme (en symbiose avec un autre monstre, le communisme chinois qu’elle alimente). Vision infernale qui colle bien à l’œuvre du graphiste Anthony Hearsey réalisée à partir de données de la NASA. Et qui nous rappelle, pour rester biblique, que comme les Aussies et tous ceux qui violent la Nature, nous payerons la somme de nos décisions, de nos actes, gaspillage de l’eau, week-ends en avion, abus des transports, des énergies fossiles, chauffage et/ou clim’ à fond, sur-consommation, délocalisation, etc… Pleurer, prier pour les kangourous et les koalas après coup ne changera rien à l’affaire.

Et pourtant, malgré notre ingratitude, la Terre est généreuse. Même là où elle nous semble inhospitalière, dure. 
Je pense à ces montagnes desquelles je vous écris, cette ligne montagneuse qui file du Cabardès à au Pic Saint-Loup, contrefort méridional du Massif central, muraille sauvage entre le littoral méditerranéen et les pays froids, principalement peuplée de cochons et de chasseurs. Je pense tout particulièrement à un village éclaté en minuscules hameaux sur les pentes argilo-calcaires, couvertes de forêt, où le minervois devient du saint-chinian. Là, à Pardailhan, pays trop froid pour la vigne (pour combien de temps?), la Nature, aidée par la main de l’Homme, nous offre en préambule de la truffe***** un drôle de légume aussi noir (extérieurement) que la Tuber melanosporum : le navet noir.

Le navet du Pardailhan, je vous en ai déjà parlé ici. Issu du Noir long de Caluire, une vieille variété arrivée de l’autre extrémité du Massif central, c’est un des luxe hivernaux des montagnols. Tendre, doux, épicé, son exubérance gustative contraste avec la rigueur du sol qui l’a enfanté. J’aime le marier au canard, à la canette mais il peut enchanter le mouton, la vieille brebis de Lacaune si on leur donne l’occasion d’un ragoût commun.

Que boirons-nous avec ce plat racinaire (au sens où il nous ramène à l’essentiel)? Évidemment, à titre d’hommage, on pourrait songer à un vin australien, le vignoble ayant été, d’Adelaïde au Snowy Montains, largement endommagé. Pourquoi pas un de ces pinots à la mode qui changent de la confiture habituellement livrée par les winemakers des antipodes, à l’image de la star actuelle, ce Ten Minutes by Tractor élaboré un peu à l’ouest des incendies de Nouvelle-Galles-du-Sud?

Mais, franchement, il serait vraiment dingue, immensément irrespectueux (et totalement incohérent après ce que je viens d’écrire) d’arroser un plat ultra-local, « kilomètre zéro » comme on dit en ville, d’une lourde bouteille en verre ayant parcouru plus de quinze mille bornes pour notre bon plaisir. 

Le pinot noir sera donc local, né en Minervois, tout près des navets et du canard, mais de style australien (actuel), gorgé de fruit, lumineux, pulpeux. Son prix sera également très très local (comme l’étiquette rose Barbie): 6€ TTC chez le marchand, aux antipodes des tarifs australiens souvent stratosphériques un fois que le vin en question a traversé la Terre. 

Second choix (ce n’est pas un classement!), un délicieux syrah grenache, fluide et frais venu du Lubéron. Là encore vous ne pourrez pas dire que je l’ai choisi pour l’étiquette… en revanche l’accord avec le navet caramélisé est magique. Pour ce qui est du prix, on est dans les 7€ TTC, on ne fera mal ni à son portefeuille, ni à la Nature. Le Ciel nous en sera reconnaissant…

* Photo © New Daily.

** Propos rapportés ici par la très fantaisiste BBC… 

*** En évoquant ces temps-ci les « fous de Dieu » comment ne pas penser aux martyrs d’un autre intégrisme religieux, musulman celui-là. Cabu, Maris, Honoré, Charb, Tignous, Wolinski…, votre journalisme qui se foutait avec gourmandise des convenances, des tyrannies, des emmerdeurs, nous manque.

**** Lisez notamment ce vieux papier du Monde sur le bras d’honneur fait à la Nature par les autorités australiennes, c’est édifiant !

***** Serge, j’y pense, pour la soirée du 1er février à L’Horloge, si j’en trouve, on se fait un plan navet du Pardaillan / truffes ?

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