Les collabos du quotidien.

Je ne sais pas vous, mais j’ai aimé l’énergie du début de la « guerre » contre le nouvel ennemi, contre le virus. Réfléchir, agir, soutenir. Les bonnes volontés, l’intelligence en marche, ici, et partout sur Terre. Chacun a essayé d’apporter sa pierre, un petit geste, un sourire. Une forme de normalité bienveillante. Pour les normaux en tout cas.
On a salué les « héros du quotidien », ceux qui envers et contre tout assuraient, tout simplement, en prenant des précautions, faisaient leur métier. Parce qu’il fallait, là où c’était possible, ne pas déserter, ne pas se laisser aller à la mollesse, à la facilité, à la fuite. Et, au delà des soignants, on en a vu en pagaille des paysans, des routiers, des policiers… tenir leur place.
Mieux encore, sont intervenus ces « anonymes » comme on dit à la télé, ces artisans, ces entrepreneurs qui ont réhabilité le bon vieux système D pour pallier les carences d’une administration française pléthorique mais (donc?) inopérante. Entre les vieilles des villages (pardon, les « seniors« …) qui cousaient des masques de fortune et ceux qui ont ressorti les vieux fusils. Là, je pense précisément (c’est quasi-cinématographique*) au Tarn-et-Garonne et à des distillateurs qui ont potentiellement sauvé des vies et qu’aujourd’hui, de retour de vacances, pardon, de confinement, les fonctionnaires persécutent.

Car, évidemment, malheureusement, comme dans toute « guerre », se révèlent les nuisibles.
À la demande des soignants, des pharmaciens locaux en état de pénurie chronique, soutenus par les maires des environs, la famille Arbeau a ressorti « le vieux fusil ». Concrètement, cette famille vigneronne de Fronton a prélevé un part de la production de l’antique distillerie attenante au Château Coutinel, au détriment de leurs clients habituels, pour les alimenter. Car, même si la norme des « médecins de bureau » a priori l’interdit, l’alcool vinique permet aux hommes de l’art l’élaboration de solutions hydro-alcooliques qui « font le bonheur » de ceux qui ne se lavent pas les mains de la pandémie. Anne et Géraud Arbeau, donc, ont fourni, non sans avoir patienté des jours et des jours (les week-ends sont longs…) pour obtenir, comme une indulgence, la bénédiction des fonctionnaires locaux de la Santé publique. Leur beau geste (qui leur rapporte bien moins qu’un traitement de sous-chargé de mission dévolu à lécher les bottes) a d’ailleurs été largement salué par la Presse locale et nationale, dans la lignée du magnifique élan initié par le journaliste Alexandre Vingtier.

Le confinement se passe, et arrive, il y a quinze jours, un courrier comminatoire de la « DREAL »** d’Occitanie. Grosso modo, on traite la famille Arbeau comme des suspects: polluent-ils? les Douanes sont-elles au courant de ce « trafic » (elle se sont)? Peu importent les pharmaciens, les hospitaliers, la pandémie, il s’agit de rendre compte vite et bien à l’armée mexicaine des redresseurs de torts, des brasseurs d’air (organigramme ci-dessous).
Les Arbeau répondent, « se justifient » (rendez-vous compte!) et finalement, après ce qu’il faut de temps perdu, hier en fin d’après-midi***, un des nombreux généraux en culotte courte de la « DREAL », magnanime, annonce: « si vous arrêtez, on ne vous embêtera pas. » Merci, Monseigneur, vous êtes trop bon…

Tout cela est évidemment honteux. Indigne. Dégueulasse.
La député locale, Valérie Rabault, du Parti Socialiste, a fait part de son étonnement au préfet de Tarn-et-Garonne, dont elle attend toujours la réponse.
Alors, me vient l’envie de rappeler à ces fonctionnaires vétilleux l’histoire d’un de leurs glorieux prédécesseurs, René Bousquet (ci-dessous avec Pétain), enfant de ce même département. Lui aussi, préfet du Grand est puis patron de la Police de Vichy, a appliqué les textes à la lettre. Comme l’a asséné le sous-sous-directeur de je ne sais quoi à Géraud Arbeau, lui aussi expliquait au moment de la rafle du Vel’ d’Hiv’, qu’on était « obligé de faire respecter les décrets ». Ni responsables, ni coupables, exécuteurs sans âme. Qu’ils prennent toutefois garde, alors que l’on a célébré les « héros du quotidien », à ne pas devenir, entre paresse et bâtons dans les roues, les « collabos du quotidien » de la pandémie.

*Comment oublier ce film, Le vieux fusil, tourné à Bruniquel, en Tarn-et-Garonne?
**Allez, avouez, vous non plus ne connaissiez cette légion pléthorique, et ses attributions…
***La fin d’après-midi pour le fonctionnaire en question; Anne et Géraud Arbeau avaient, eux, encore quelques heures de boulot devant eux.

3 réflexions sur “Les collabos du quotidien.”

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