Jamais plus gamay…

Après le pitoyable jeu de mot du titre, on peut s’attendre au pire. À ce que je vous ressorte la fausse pub des Nuls; les plus vieux d’entre nous s’en souviennent sûrement, « gamay, mon produit de beauté »*…
Parce que c’est vrai, il y a parfois de ça dans l’imagerie de ce cépage, une jovialité qui glisse jusqu’à l’humour coussin-péteur, comme un léger manque de distinction, le beaujo du comptoir, entre assommoir et franchouillard. Franchement, d’ailleurs, une partie de la production, en Beaujolais singulièrement, colle bien à cette sale image, un peu poissarde sur les bords.
Pour charger la mule, on ne manquera pas de rappeler le fameux édit du Duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, qui en 1395 ordonna l’arrachage du « très-mauvaiz et très-desloyaul plan nomméz Gaamez moul nysibles à créature humaine » des vignobles de son duché, cépage qui donnait en abondance un vin « de très grande et horrible âpreté, plein de très grande et horrible amertume. »

Pourtant, qu’est-ce qu’il arrive à nous charmer, le plant « déloyal », « infâme », bâtard du noble pinot et du très roturier gouais! Pour peu qu’on lui offre un terroir qui le comprenne (le granit par exemple), et un vinificateur qui, lui, évite de le pousser dans ses mauvais penchants. J’en parlais la semaine dernière, à propos du délicat saint-amour de Marc Delienne, mais vous le savez, les exemples fourmillent, de telle façon qu’à l’inverse du carignan kolkhozien**, on a largement dépassé le concept de l’exception qui confirme la règle.
Il n’est pas nécessaire d’ailleurs de rester sur sa terre d’élection beaujolaise pour voir le gamay étinceler. Je pense aux Blondins des Sérol en Côte-Roannaise, à La Souteronne d’Hervé Souhaut en Ardèche, à Abstèmes s’abstenir de Cosse-Maisonneuve à Cahors, à Il est des nôôôtres d’Anne Arbeau à Fronton ou encore au Vieille Vigne de Christophe Abbet en Valais. Autant de cuvées dont vous devriez retrouver la trace dans l’ancienne version d’Idées liquides & solides.

Bon là, j’ai envie de vous parler du dernier en date. Un rouge cristallin totalement à l’opposé de l’image lourdaude qui colle à la peau noire du gamay, bien que né d’une appellation canaille dont la production est condamnée à l’arrosage à jet continu du mâchon.
C’est un coteaux-du-lyonnais, produit au sud de l’AOP, pas loin des rives du Rhône, à une vingtaine de kilomètres de la capitale des Gaules, entre Millery et Orlienas., un terroir très particulier de moraines (avec de gros galets transportés par un ancien glacier) et de roches métamorphiques (granit & gneiss).
Une véritable explosion de fruits rouges, de délicieuses notes de framboise en particulier, et une bouche de dentelle. Car en fait, ce 2016, bénéficie d’une vinification « de luxe ». Il est produit par Guillaume Clusel, célèbre pour les côtes-rôties du Domaine Clusel-Roch. Par parenthèse, on ne dira jamais assez la grandeur de tant de petits vins de vignerons réputés, véritables bonheurs du buveur, parfois même plus intéressants que certaines grandes cuvées où l’on veut « trop bien faire ». Toujours est-il que là, on se désaltère mais en s’alimentant l’esprit!
Allez, tiens, puisqu’on parle « d’esprit », autant essayer de finir aussi mal qu’on a commencé: Jamais plus Galet

*Eh oui, ce n’est pas forcément un des sketches les plus étincelants de Chabat et de sa bande. Pour ceux qui ont oublié, c’est ici.
**Dont je parlais dans cette chronique qui avait heurté les misérabilistes et autres amateurs de légendes urbaines.

2 réflexions sur “Jamais plus gamay…”

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