Boire à plus de 100 kilomètres.

Pour nous, Français, c’est à la fois un nouvel horizon, et une nouvelle frontière. Pour les plus chanceux en tout cas, ceux dont le feu va virer au vert, en route pour la grande aventure! Dans une limite de 100 kilomètres. Les grincheux, les rageux, les vicieux vont geindre, vociférer. Les autres (ceux dont on espère que l’avenir sera fait) vont s’adapter et y voir un prudent espoir.
D’ailleurs, qui n’a pas perdu, hier, quelques minutes d’un temps qu’il serait néfaste de se laisser aller à croire qu’il n’est pas aussi précieux qu’avant, pour calculer ce disque sur lequel nous allons pouvoir graver les souvenirs des semaines, des mois à venir? Certains sont plus avantagés que d’autres, c’est la vie, mais la France est suffisamment belle, et plus encore en cette saison, pour que chacun y trouve du bonheur.

Mais voilà, tire-bouchon en main, l’oenophile a parfois envie de passer les frontières, de transgresser. En la matière, ce n’est pas la curiosité, le vice, mais l’habitude, qui sclérose, engourdit, enferme encore plus sûrement qu’une zone de confinement. Par parenthèse, ça vaut aussi pour le vigneron*. On voit rarement de grands génies créatifs parmi ceux qui ne boivent que leur production; là aussi, l’ouverture d’esprit fait figure de condition sine qua non.
Évidemment, en cas de soif exotique, pour se fournir, pas question de monter en voiture, c’est à une autre carte qu’il faut faire confiance, celle publiée ici même l’autre jour, et qui compte désormais plus de 700 adresses de marchands de vin, susceptibles pour la plupart de vous livrer à domicile. C’est d’ailleurs l’un de ceux qui y figurent depuis le début, l’ami biterrois Philippe Catusse, qui m’a apporté (ça avait encore un petit côté La traversée de Paris) quelques caisses de merveilles dont beaucoup susceptibles de nous faire sortir des 100 kilomètres réglementaires.

Et je ne sais pas pourquoi (une envie de quenelles? de tablier de sapeur? l’origine d’Anne-Sophie?), le soir même, mon pas virtuel s’est dirigé vers le Beaujolais. Avec l’envie bien sûr de me régaler de ce style des beaujolais qu’on aime, dont la plaque minéralogique de la bagnole évoque davantage 71, voire 21**, que 69, le pinot que la grosse carbo vulgaire, bananesque***.

On avait le choix. Du chénas, d’abord. Thillardon, maison réputée, un 2018 borderline (c’est décidément d’actualité…) mais du bon côté de la volatile, celle, positive, qui évite au gamay la lourdeur, le rend plus aérien. Excellent sur la peau d’un poulet du Tarn (bien moins de 100 km!) rôti.

Mais le grand voyage, le coup de foudre, il s’est produit à 361 kilomètres de chez nous, à vol d’oiseau. Le gamay qui pinote, délicat et joyeux, le rouge translucide, pulpeux, dont on croit la bouteille trouée. Le saint-amour À la folie 2017 de Marc Delienne, néo-vigneron d’origine parisienne (eh oui…), moins en cour que certaines étiquettes à la mode. La preuve, une fois de plus, qu’en Beaujolais comme ailleurs, il y a les vins de suiveurs, et les vins de buveurs.
Bref, il m’a transporté. La bonne nouvelle, c’est qu’on en a une autre cuvée dans les cartons sortis du véhicule des Établissements Catusse****. Une seule obsession, la déboucher. Repartir en voyage. Bien au delà des 100 kilomètres.

*J’avais écrit plus longuement sur le sujet dans cette chronique, Le vigneron qui n’aimait pas le vin, de l’ancien blog à lire ici.
**Le style Dutraive notamment, évoqué , au retour d’une virée lyonnaise chez Jojo, mon beauf’.
***Pour le cours oenologique sur la banane fatale, à propos du beaujolais-nouveau mais pas que, c’est ici.
****En réalité, le Clos Saint-Gabriel, c’est leur raison sociale. Et Le Chameau ivre, dès qu’il rouvre, on espère en juin grâce à sa grande terrasse.

5 réflexions sur “Boire à plus de 100 kilomètres.”

  1. Merci, merci, merci !!!
    Quel magnifique texte d’espoir, de positivité bienvenue !
    Merci de nous faire du bien par vos mots précieux, Vincent, et pour cette envie de découvrir une nouvelle bouteille.

  2. Ping : Never say gamay… – Idéesliquides & solides

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